• Le fétichisme sexuel est la fixation du désir érotique et la recherche d'une satisfaction sexuelle, par le contact ou la vue d'une partie du corps, comme par exemple les seins, les fesses, les jambes, le nombril, les mains, le nez ou encore les pieds, d'un objet (des gants, des bas, des bottes, ou encore des chaussures) ou d'une matière. Le fétichisme sexuel peut faire écho de la paraphilie dans le cas où celui-ci provoque un trouble chez la personne[1].

    Le fétichisme désigne l’adoration d’idoles ou d’objets fétiches censés être dotés d'un pouvoir. Au tournant des XIXe et XXe siècles, le terme subit une extension du champ sémantique vers le domaine sexuel. Un fétichiste devient l’adepte non plus d’une religion mais d’une perversion[2].

    Genèse

    Alfred Binet est le premier à utiliser le terme dans un sens sexologique dans un article de la Revue philosophique en 1887. Sa théorie s'appuie sur des remarques de Jean-Martin Charcot et de Valentin Magnan sur un cas de fétichiste du bonnet de nuit dont les premiers émois sexuels étaient liés à la vision de sa mère en bonnet de nuit à l'âge de cinq ans. Binet construit une théorie où l'expérience sexuelle infantile détermine la fixation du fétichisme. Il la résume en une formule : « On revient toujours à ses premières amours[2]. »

    Sigmund Freud s'appuie sur le travail de Binet[2] et désigne comme fétichisme la pratique sexuelle de recherche de l'orgasme par le biais d'objets ou de parties du corps, indépendamment du coït. Il y a donc fétichisme sexuel chaque fois qu'une partie du corps ou un objet vient prendre la place de l'organe sexuel du partenaire et se substitue entièrement à lui. La théorie de Freud va évoluer avec ses réflexions. D'abord centré sur la notion de libido, le fétichisme est présenté comme une perversion[3]. Pour Freud, l’explication de l’origine du fétichisme sexuel serait lié à un traumatisme durant l'enfance symbolisé par l’angoisse de castration. Selon sa théorie, un garçon, découvrant pour la première fois qu'une personne du sexe féminin (sa mère par exemple) ne possède pas de pénis, fait un transfert sur un objet inanimé qu'il verra au même moment[2]. Le fétiche constitue ainsi un substitut du phallus manquant de la femme. Cet objet lui sera alors nécessaire dans le futur pour avoir une satisfaction sexuelle. Selon lui, le fétichiste aurait en fait recours à un clivage : une partie de la personnalité reconnaît l’angoisse de castration via l'objet fétiche, l'autre non et la refoule, la particularité du clivage demeurant dans le manque de communication entre ces deux pôles. Cette théorie rencontre cependant ses limites dans les cas de fétichisme féminin où l'angoisse de castration ne s'exprime pas de la même façon ; de fait, Freud évoque essentiellement l'homme fétichiste, et limite la femme au fétichisme des vêtements qu'il juge « normal »[2].

    Les premières observations cliniques du fétichisme des vêtements ou passion des étoffes apparaissent en 1908 dans l'article Passion érotique des étoffes chez la femme de Gaëtan Gatian de Clérambault[2].

    Après Freud, la théorie du fétichisme subit d'autres influences. Dans les années 1930, Melanie Klein reprend le concept d'« objet partiel » de Karl Abraham et s'attarde plus à présenter le fétichisme du côté de l'objet maternel dans sa dimension d'attachement/séparation que dans sa dimension phallique[2].

    Dans les années 1950, Donald Winnicott apporte sa contribution via sa théorie sur l'« objet transitionnel », qu'il différencie du « fétichisme » - même s'il reconnaît un caractère précurseur au fétichisme dans cette démarche. Selon lui, l'« objet transitionnel » est une illusion du phallus maternel, appartenant au développement affectif « normal » de l'enfant ; à l'inverse, le fétichisme relève de l'hallucination liée à la relation maternelle (donc le « sein »)[2].
    En 1954, Jacques Lacan choisit le fétichisme pour illustrer sa théorie de la trilogie « Imaginaire » - « Symbolique » - « Réel ». L'angoisse de castration est présentée comme l'enjeu de l'historique clinique[2].$

     

    Objets du fétichisme

    Les objets, matières ou attitudes faisant l'objet de fétichisme sexuel sont divers.

    Vêtements

    Le fétichisme, en tant que passion des étoffes, est souvent lié à certaines matières : il concerne notamment le cuir (fétichisme du cuir), le latex (fétichisme du latex), le vinyle, la laine ou l'élasthane - lycra (fétichisme du vêtement moulant), etc.

    Le fétichisme des vêtements, type de fétichisme érotisé, s'est affirmé au cours des cinquante dernières années particulièrement en matière de photographie. On le rencontre dans la vie quotidienne avec différents types de vêtements, des vêtements moulants : pulls en laine, sous-pull à col roulé, body, top, catsuit, des sous-vêtements (fétichisme des sous-vêtements)...

    Exemple de fétichisme sexuel : invitation avec dress code (col roulé moulant, jupe, costume)

    Ce fétichisme devient « fétichisme sexuel » lorsque la vue de cette matière, de ce type de vêtement, provoque une excitation sexuelle.

    Selon Freud, il est parfois dérivé d'un fétichisme du pied quand il concerne des chaussures (bottes, cuissardes, bottines et talons aiguilles principalement), des chaussettes, etc. Et peut concerner des odeurs ou des stimuli visuels.

     

     

     

    Parties du corps

    Le fétichisme peut aussi être relatif aux parties du corps. Dans son sens populaire d'adoration des parties du corps, les fétiches peuvent être les seins ou les fesses. Viennent ensuite les autres fétichismes comme par exemple le fétichisme des jambes, le fétichisme des pieds, le fétichisme du nez (Nasophilie) ou encore le fétichisme des épaules ou du nombril.

    D'autres sont très particuliers. Ce peut-être le cas du timbre de voix, des couches culottes (ABDL), de la teinte des cheveux, d'un type de coiffure (chignon, tresses, frange, etc.) ou du port de lunettes. Certains fétichistes sont attirés par les femmes enceintes (maïeusophilie). D'autres, par des unijambistes ou des personnes atteintes d'un handicap spécifique. Il est en outre difficile d'exclure de ce champ les fétichistes amateurs de femmes mûres, parfois franchement âgées (gérontophilie), ou de femmes obèses (Fat Admirer). Sans parler de ceux qui apprécient les partenaires négligées, voire malpropres. Dans la mesure où de tels signes sont investis d'un pouvoir érotique, il s'agit bien d'un fétichisme, justification préalable de comportements souvent vus comme relevant ensuite d'une simple déviance. Il y a là, en effet, le besoin d'identifier sur le partenaire la présence d'un objet ou d'une condition objectale qui devient le centre du désir sexuel.

    Attitudes et comportements

    F.

    Certaines formes de fétichisme sexuel se rapportent à des attitudes et à des comportements qui provoquent le trouble ou l'émotion nécessaires à une excitation se transformant en plaisir ou rendant le plaisir accessible. Une femme pourrait apprécier, par exemple, de se sentir sans défense face à un désir masculin qui se manifeste, plus ou moins symboliquement, de manière contraignante ou violente. Un homme, de son côté, pourrait rechercher des attitudes féminines particulièrement élégantes ou hautaines, une désinvolture ou une indécence exagérées, une liberté de ton et de propos inhabituelle. De tels éléments, parce qu'ils peuvent relever du jeu de rôle de la même manière qu'une guêpière en latex relève du travestissement, mobilisent des émotions et activent un processus directement inscrit dans le périmètre des pratiques sexuelles fétichistes. Qu'ils soient stéréotypés n'est pas un obstacle à la naissance du désir, au contraire : ils contribuent ainsi à instrumentaliser le ou la partenaire en tant qu'objet conforme à des attentes secrètes, c’est-à-dire en tant qu'objet de désir.

    Art

    Le fétichisme dans son sens sexologique est exploité par la littérature, bien avant sa reconnaissance sexologique. Cette reconnaissance s’appuie sur des éléments littéraires pour ses études. La littérature courtoise énumérant les « blasons du corps » féminin devient un véritable genre jusqu'au XVIe siècle et au XVIIIe siècle les descriptions deviennent presque cliniques, au XIXe siècle, la dandysme s'inspire du fétichisme vestimentaire[2].

    En photographie, design, cinéma et illustration), ce mouvement s'exprime au cours de l'entre-deux-guerre aux États-Unis et dont l'un des pères est John Willie, auteur de comics (Adventures of Sweet Gwendoline notamment) aux côtés de Stanton, Eneg et Jim. On parle aussi, plus couramment de « Fetish ». Sa forme classique a pour effet de substituer l'érotisme du corps, qui devient un élément secondaire de la mise en scène, par celui des objets, et principalement des vêtements ou des chaussures. Les matières jouent un rôle important, avec notamment le cuir (fétichisme du cuir), le latex (fétichisme du latex) et les matières vinyles ainsi que les talons aiguilles.

    Aux États-Unis, le mouvement a été principalement porté par Bettie Page dans les années 1950 puis par Helmut Newton à partir des années 1970-1980 et Richard Kern, au milieu des années 1980. En Europe, le mouvement plus récent s'est divisé en trois écoles : le Fetish art, de Robert Chouraqui, Ludovic Goubet, où le corps joue un rôle de mise en lumière et de mise en évidence des tenues ; le Fashion Fetish, de Christophe Mourthé, Peter Czernich ou Julien Reynaud (Anticmos) où l'imagerie fetish tente de gagner ; et le Fetish-SM art de Ludovic Goubet, Manuel Urquizar, Nath-Sakura et Eric Martin où les imageries fetish et sadomasochistes se rejoignent.

    Suite à la création en Grande-Bretagne (Rubber Ball et Torture Garden), aux Pays-Bas (EuroPerve et Wasteland), en Belgique (Fetish Project) en France (Bal des Supplices, Nuit élastique, Nuit Dèmonia, Nuit FetishInParis, Alien Nation, Revolution Fetish, les soirées de LaLawrence et Zinella, etc.) et à Montréal (Bal Poisson d'Avril[1], Festival international Kinky[2], Fetish Weekend, les soirées du Cirque de boudoir[3] et FéticheSequence[4]) de soirées spécifiquement fétichistes, nous avons assisté à l'apparition au milieu des années 1980 de modèles spécialisées dans ce domaine, les fetish models. On peut citer notamment parmi elles les plus célèbres : Dita von Teese (qui a épousé le chanteur Marilyn Manson au cours de l'année 2005), Bianca Beauchamp, Emily Marylin, Mina, Darenzia[5], Kumi Monster[6], Mosh, Eve-Adeline, Madria[7], Alyz, Laïka de N., Morgana, Ulorin Vex, Sister Sinister, Louva, Jean Bardot, Rubberdoll, Nicotine, et LouLady.

    Le mouvement fetish a pris aussi, au cours des années 1990-2000 de l'essor dans le milieu de la haute couture, avec notamment la collection automne-hiver 2003 de la maison Dior qui a fait appel à House of Harlot, couturier fetish anglais, pour intégrer des éléments en latex dans le défilé.

     


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  • Yōko Higashi

    Yōko Higashi (née en 1974 à Yokohama, Japon - ) est une danseuse butō, chorégraphe, compositrice, chanteuse et musicienne japonaise, dans le cadre de groupes musicaux ou d'un "projet vocal" solo sous le nom hamaYôko. Le mari est Lionel Marchetti. Il y a un enfant.

    Biographie [modifier]

    Avant tout musicienne - en 1995, Yōko Higashi a travaillé en tant que chanteuse avec Keitaro Takanami (ex PIZZICATO FIVE); de même elle participe à la compilation "Cutie Collection" chez Media Remoras avec le groupe japonais THE BIG BAND.

    Elle débute la scène à Tokyo, ensuite à Lyon après avoir expérimenté différentes expressions corporelles et musicales : chant classique, Théâtre Nô (avec Mansaburo(Makio) UMEWAKA), danse Butô (avec Akiko MOTOFUJI, Akira OKAMOTO, Mitsuyo UESUGI et Masaki IWANA), Commedia del arte (à l'ENSATT) et Aïkido...

     

     

    Depuis elle réalise ses propres chorégraphies. En 2003, elle débute un travail de chorégraphe-danseuse accompagnée de divers musiciens comme Lionel Marchetti (performance danse-musique / tournées en France et à l'étranger) ; en 2006 elle joue avec Keith Rowe, Tomas Korber et Richard Jean...  ; plus récemment avec Frédérick Galiay (compositeur/bassiste et peintre/sortie prévue d'un coffret DVD en 2008)... Elle donne également des performances en duo avec une autre danseuse Butô : Yukiko Nakamura.

    En tant que chanteuse, elle collabore avec : Florent Dichampt (guitariste), Lionel Marchetti (électro), John Hegre (guitariste), Casanova Frankenstein (rock expérimental), Chewbacca (rock improvisé)... ainsi que pour un autre duo musical : Octobriana avec la violoniste Agathe Max. Elle danse et chante pour le projet XLR Project avec Nicolas Ticot (vidéaste) : performance audiovisuelle DOKI DOKI / tournée en France depuis novembre 2005. En 2003, elle crée un duo Yokohama Zen Rock avec Takeshi Yoshimura ; en 2004,le groupe est rejoint par Spagg. Elle est aussi chanteuse interprète pour MOKO (compositeur/pianiste)

    Pour le théâtre, elle travaille également avec Jean -Paul Delore (sur le spectacle théâtre-musique "Peut-être", au Centre culturel de Maputo/Mozambique, festival Banlieues Bleue/Paris, théâtre des Vénissieux/ Lyon, festival francophone/Limoge, théâtre de Paris Villette et au théâtre Bretigny de septembre à décembre 2007).

    Depuis février 2006, elle travaille à un projet musical solo au nom de hamaYôko : electro-pop influencé par la musique concrète. Une de ses compositions "FURIES" se trouve dans la compilation du magazine anglais "The WIRE" n°284,octobre 2007.

     

    Performance scénique....

     


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  • Le bondage japonais (緊縛 kinbaku « bondage » ou kinbaku-bi « magnifique bondage » est un type de bondage sexuel japonais entrant dans le cadre de jeux sadomasochistes. Il implique d'entraver celui (ou celle) qui tient le rôle de personne soumise en utilisant des figures géométriques pré-définies à l'aide d'une cordelette, habituellement de 6 à 8 millimètres de diamètre, faite de chanvre ou de jute. Le mot de shibari (縛り signifiant « attaché, lié », utilisé au Japon pour décrire l'art de ficeler les colis) est devenu l'appellation la plus courante, dans les années 1990, en Occident, pour désigner l'art du bondage kinbaku.

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    Historique

    Shibari made in France

    Il est établi que le bondage japonais moderne puise largement ses origines dans la société japonaise médiévale ; l'utilisation du ligotage militaire sous toutes ses formes remonte au moins au XVe siècle ; le Kinbaku y était pratiqué notamment en tant que châtiment corporel aussi bien que comme technique de capture et d'arrestation. Dans ce contexte elle se nommait hojo-jutsu. Les spécialistes de ces techniques étaient nommés nawashi. Les nobles et les samouraïs ne pouvaient être entravés que selon des codes et par des personnes spécifiques, afin de ne pas attenter à leur honneur.

    XVe siècle1603 : La période sanglante de Shinkoku

    L'époque Sengoku est la plus noire qu'ait connu le Japon. Elle reste gravée dans les mémoires pour les tortures cruelles infligées à l'aide du feu, de couteaux, de tatouages, etc. À cette époque, la société japonaise subit une période de guerres civiles complexes qui prit fin avec l'établissement du Shogunat des Tokugawa en 1603. Ces époques de conflits entrecoupées de courtes périodes de paix (comme entre 1568 et 1603) furent propices au développement des techniques de capture.

    16031878 : Période Edo

    À la suite du retour à la paix (1600) et de la mise en place du shogunat Tokugawa en 1603, les techniques de capture perdirent en importance et évoluèrent vers des techniques d'arrestation et de contrôle. L'usage du ligotage en tant que torture se développait par ailleurs. Le Japon de cette période était fondé sur un ordre social rigide. De sévères codes de lois furent établis. Dans ce contexte, la technique appelée hojo-jutsu, torinawa-jutsu ou hobaku-jutsu se développa. Le hobaku-jutsu était l'art martial spécifique employé pour attraper et immobiliser des criminels ou des prisonniers. Les techniques de maniement de la corde pour immobiliser un prisonnier se perfectionnèrent et se ritualisèrent. Chaque village avait sa propre méthode.

    Un criminel/prisonnier pouvait être attaché/suspendu en public, surtout s'il s'agissait d'un châtiment judiciaire, et tout observateur pouvait dire par la façon dont le criminel ou le prisonnier était attaché/suspendu et par le modèle de corde employée, quelle était la classe sociale du criminel/prisonnier et le crime qu'il avait commis. Le sexe, l'âge et la profession de la victime étaient de même déterminant pour les techniques de ligotage utilisées. Deux supplices de l'époque reposaient sur l'usage du ligotage. Dans le premier, des liens très serrés créaient des points de compression infligeant de graves et irréversibles séquelles, le second était la suspension qui pouvait parfois durer plusieurs jours. L'issue de ces deux châtiments était généralement la mort.

    En 1742, sous le shogunat Tokugawa, le gouvernement promulgue une loi interdisant certains crimes ou punitions. On trouve parmi ceux-ci les peines de travaux forcés, l'esclavage, l'exil, la peine de mort, etc., et encore quatre types de tortures : la peine du fouet, l'écrasement d'une partie du corps sous une lourde pierre, le ligotage serré du corps à l'aide de cordes, la suspension par ce même moyen.

    L'utilisation du kinbaku comme pratique érotique pendant cette période est très incertaine et aucun écrit pouvant clairement nous renseigner sur son usage n'a été retrouvé.

    Le bondage japonais moderne

    À la fin de la période d'Edo, quelques images érotiques japonaises apparaissent, où l'usage de la corde est enfin représenté. Si cet usage érotique a pu exister avant, on ne le connaît en tout cas dans aucun sens historique : seuls des récits ou des légendes y font allusion. Ito Seiu, considéré comme le père du kinbaku, est le premier à faire des recherches sur l'hojōjutsu dès 1908 et à l'introduire en tant qu'art. Le kinbaku ne devient réellement populaire dans les revues spécialisées qu'à partir des années 1950, peut-être sous l'influence de John Willie, photographe fétichiste et artiste du bondage. La tradition du bondage en tant qu'art ne se développe au Japon qu'à partir des années 1960.

    Si les usages judiciaires du kinbaku ont disparu, plusieurs de ces techniques sont cependant à la base de l'utilisation moderne du ligotage sous ses formes érotiques. Le bondage sexuel est de loin plus mesuré et beaucoup de précautions sont prises pour éviter des blessures.

    Différences entre les techniques occidentales et japonaises

    L'art de poser des liens est très ancien au Japon. La date exacte de son origine est mal connue mais on estime qu'elle remonte à un millénaire.

    Apparenté, à l'origine, aux arts martiaux, le ligotage ou Kinbaku est initialement une méthode de torture dont les techniques différent selon le rang du prisonnier (hojojutsu). Il s'est transformé pour devenir une pratique érotique. Le fait de lier (shibari) exige une pratique sereine, progressive et complexe dont la lenteur permet au ligotage d'induire son plein effet. Progressif veut dire qu'il est possible de commencer en n'importe quel endroit du corps (poitrine, cuisses ou ventre) pour gagner peu à peu d'autres points et finir, éventuellement par une immobilisation complète dans une position donnée comme, par exemple, la position en croix du ligoté connue sous le nom de "hog tied".

    Le bondage japonais diffère du bondage occidental par le fait qu'au lieu de simplement immobiliser le sujet ou de pratiquer sur lui certaines contraintes, les techniques de shibari ajoutent à cette notion de base un point de vue esthétique (voire érotique) et une stimulation des centres d'énergie en des points précis du corps (Shiatsu). La personne soumise prend du plaisir par la tension de la corde qui lui écrase les seins ou les parties génitales. L'intensité des sensations procurées au sujet ligoté est fonction de sa position. Le bondage japonais est connu pour faire appel à des positions asymétriques qui exagèrent l'impact psychologique du bondage.
    Les techniques du bondage traditionnel japonais utilisent quant à eux des cordages rugueux d'environ dix à quinze mètres de longueur et constitués de plusieurs brins en fibres naturelles faites de paille de
    riz, de chanvre, de jute ou encore en toile[1]. Cependant, les meilleurs résultats sont obtenus avec des cordes courtes de 3 à 4 mètres qui permettent de modifier certaines portions du ligotage sans être obligé de le défaire dans son entier ou d'ajuster la tension d'une corde sans toucher à celle des autres. Les cordes auront un diamètre assez gros de 8 à 12 millimètres afin de ne pas pénétrer trop profondément la peau, tout en la marquant suffisamment pour donner une impression de souffrance. Les nœuds seront, en outre, plus esthétiques et plus faciles à défaire.
    De nos jours, les japonais, à l'instar des occidentaux, utilisent des cordes de nylon plus douces que les cordes traditionnelles mais dont l'inconvénient réside dans le fait que les nœuds ont une fâcheuse tendance à glisser.

    L'art martial traditionnel (hojjutsu) des samouraïs ne fait pas de nœud alors que le bondage japonais actuel, s'inspirant du modèle occidental, fait entre deux et cinq sortes de nœuds simples. Le bondage occidental utilise, quant à lui, des nœuds plus complexes. Avec ses racines profondément ancrées au Japon, enseigné dans le monde entier par des Maîtres (sensei) du bondage, le kinbaku a gagné en popularité.

    En Occident, le bondage est souvent utilisé dans le cadre du BDSM. Il utilise de longues cordes, d'environ huit mètres de longueur dont le matériau a changé au fil des années : initialement en coton, ce dernier a été supplanté par le nylon dans les années 1980-90 puis de liens constitués de multiples filaments de polypropylène.

    Technique

    Exemple de motif Karada

    Le kinbaku traditionnel est basé sur des motifs obtenus à l'aide de cordes et dont la plupart trouvent leur origine dans l’hojjutsu. Parmi les différentes façons de lier, l’ushiro takatekote, le bondage de base, consiste à lier les bras contre la poitrine tout en liant les mains derrière le dos. L'ensemble décrit une figure en forme de « U ». C’est la figure la plus importante et la plus fréquemment employée. Une autre façon de faire est l’ebi ou figure de la « crevette », originellement une torture, est actuellement destinée à rendre l'aspect de la personne ainsi liée plus vulnérable et plus soumise au cours des scènes BDSM.

    Le kinbaku traditionnel se pratique avec des liens de sept mètres de longueur. En raison des différences physiques des participant(e)s dans le BDSM occidental, on utilise plutôt des cordes de huit mètres. Les cordages sont habituellement réalisés en jute ou en chanvre (mais ni en sisal ni en chanvre de manille) spécialement traités pour obtenir une corde à la fois robuste, souple et douce au toucher. D'autres matériaux sont parfois utilisés.

    Pour des raisons historiques, le kinbaku utilise rarement les nœuds (parfois pas du tout). S'il y en a, ce sont des nœuds coulants ou des nœuds de blocage qui requièrent tous deux des matériaux à haut pouvoir de friction, donc rugueux. D'après le livre de Nawa Yumio publié en 1964, les nœuds sont considérés comme particulièrement disgracieux. Les ligotages arborant des nœuds n'étaient pas considérés comme du bondage.

    Règles de sécurité

    Pour ceux qui souhaiteraient se lancer dans le ligotage, il faut savoir qu'un apprentissage est nécessaire car il s'agit d'un jeu dangereux.

    • Il faut toujours avoir à portée de mains des ciseaux capables de trancher les liens en cas d'urgence,
    • Il faut toujours protéger la peau du sujet lorsqu'on tire de grandes longueurs de cordes pour éviter de lui brûler la peau,
    • Il faut surveiller les extrémités du sujet (mains, pieds). Si elles blanchissent ou bleuissent, c'est le signe que les liens sont trop serrés et qu'il faut les défaire. Des picotements ou des engourdissements dans les membres sont le signe que le sang circule mal et doivent également conduire à défaire le ligotage et à frictionner le ou les membres.
    • Ne jamais serrer un lien devant le cou du sujet. Le risque serait de l'étrangler. La nuque ne pose, par contre, aucun problème,
    • Si le candidat(e) au ligotage doit être baillonné(e), il faut convenir d'un signal non équivoque pour alerter le ligoteur.

    Glossaire

    Démonstration d'une suspension partielle.
    Mot japonaisSignification
    Asanawa Corde faite de chanvre et utilisée traditionnellement pour le ligotage
    Agoura Comme l'ebi (voir ci-dessou), il réalise également l'image d'une crevette mais en moins violent
    Ebi Réalise l'image d'une crevette
    Hishi entrelacements réalisant l'aspect d'un diamant taillé. Lorsqu'il est réalisé sur toute la surface du corps, on le désigne parfois sous le nom de hishi-kikkou. L'hishi a été répandu par les mangas et autres dessins animés.* ebi : réalise l'image d'une crevette.
    Hojojutsu art martial consistant à immobiliser un sujet avec des liens. Il était utilisé pour immobiliser rapidement un prisonnier avant même qu'il puisse se défendre
    Karada littéralement: « le corps ». Par extension, il désigne le harnais de corde qui enveloppe le corps
    Kataahi tsuri Suspension par une jambe
    Kikkou Entrelacement de la corde qui réalise le dessin des écailles d'une carapace de tortue sur la face antérieure du thorax
    Kinbaku
    (緊縛)
    Mot général pour désigner l'Art de ligoter un sujet (bondage) à la japonaise quelle que soit la technique utilisée.
    Kotori Mot général désignant un petit oiseau quelle que soit son espèce. Par extension, désigne la suspension
    Musubime Mot général pour désigner un nœud.
    Nawa Nom général donné à une corde
    Nawashi
    (縄師):
    littéralement: « fabricant de cordes ». Désigne l'artiste passé Maître dans l'art du ligotage (bondageur)
    Nawa shibari
    (縄縛り)
    (substantif) le fait d'attacher ou de lier à l'aide d'une corde (un terme "construit" est incorrect et n'existe pas en japonais)[2]
    Sakuranbo Mot signifiant "cerise". Par extension, il désigne les fesses
    Shiatsu Mot général pour désigner l'Art de masser les "centres d'énergie"
    Shibararetai Mot indiquant le désir du sujet d'être ligoté par le Maître
    Shibari
    (縛り)
    Terme général désignant le fait de ligoter un sujet
    Shibaritai Mot indiquant le désir du Maître de ligoter le sujet
    Shibaru
    (縛る)
    Attacher ou lier à l'aide d'une corde
    Shinju Mot signifiant "perles". Par extension, désigne les seins. Un Shinju est donc un bondage qui n'intéresse que la poitrine.
    Tazuki Entrecroisements réalisant l'aspect d'un harnais.
    Tanuki Blaireau
    Tsuri Suspension verticale ou horizontale
    ushiro takate kote Entrave basique pour la plupart des figures shibari. consistant à lier les bras et la poitrine en maintenant les mains liées derrière le dos. Le tout prend une forme de U. Ushiro takatekote est composé des mots 後ろ ushiro (« derrière le dos ») et 高手小手 tekatekote (« lier les mains et les bras »).


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    Un yakuza (ヤクザ ou やくざ, yakuza?) est membre d'un groupe du crime organisé au Japon ou, par extension, désigne n'importe quel voyou japonais. Les yakuzas sont représentés par quatre principaux syndicats, présents sur tout l'archipel, et possèdent également des ramifications dans la zone Pacifique, et même en Allemagne et aux États-Unis. Ils seraient plus de 84 700[1].

    Dans la terminologie légale japonaise, les organisations de yakuza sont appelées Bōryokudan (暴力団?) , littéralement « groupe violent »[2]. Les yakuzas considèrent ce terme comme une insulte, car il s'applique à n'importe quel criminel violent. Dans la presse occidentale, on les identifie parfois à la « mafia japonaise », par analogie avec d'autres groupes du crime organisé, comme la mafia sicilienne.

     

    Histoire

    Les débuts : l’ère Edo

    En dépit de leur notoriété dans le Japon moderne, l'origine précise des yakuzas est encore aujourd’hui sujet à controverse.

    Mythique bakuto, Shimizu No Jirocho est le premier bandit riche et célèbre de l'époque moderne

    Les yakuzas, descendants des Bakuto et des Tekiya...

    La première hypothèse serait que les yakuzas seraient les héritiers de deux corporations distinctes :

    1. les Bakuto (joueurs professionnels) qui travaillaient dans les villes, sur les marchés et les foires, et contrôlaient le monde des jeux de hasard, très en vogue à l’époque[8] (c’est encore aujourd’hui une des activités les plus lucratives des yakuzas)
    2. les Tekiya (colporteurs et camelots) qui travaillaient sur les routes[8].

    À l'origine, le recrutement des membres de ces deux groupes se faisait dans les mêmes milieux (paysans sans terres, voyous). Chaque groupe, une fois constitué, s'attachait un territoire fixe et délimité[8]. Ils pouvaient compter jusqu'à 500 hommes armés, comme celle du mythique bakuto Shimizu No Jirocho, le premier bandit riche et célèbre de l'époque moderne[9]. Les yakuzas ont hérités de certaines traditions des Bakuto, notamment la tradition du yubitsume (doigt coupé) et de l'irezumi (tatouage japonais).

    ... ou des Machi-Yokko?

    Les yakuzas eux-mêmes privilégient une autre hypothèse : ils affirment descendre des Machi-Yokko (« les serviteurs des villes »)[10]. Lors la démilitarisation, ayant eu lieu dès 1603, et survenant lors du « Pax Tokugawa » [11], période de paix qui durera 250 ans, les samouraïs représentaient 10% de la population, soit 2 à 3 millions de personnes. 500 000 sont démobilisés, dont certains deviennent des rônins, des samouraïs sans maitre, en rupture de ban[12]. Ils deviennent des bandits de grands chemins, terrorisant les populations, de semer le trouble, voire de tuer des citoyens pour le plaisir, d’où leur nom de « Kabuki-mono » (les « fous »)[13].

    Un acteur déguisé en kabuki-mono, avec son habillement particulier

    Il n’y a pas de lien immédiat avec le théâtre, mais le mot « Kabuki » signifie être extravagant, excentrique. D’où l’idée d’un personnage qui ne se plie pas à la règle et qui se manifeste. On pouvait distinguer les Kabuki-mono par leur mode d'habillement particulier, leurs coupes de cheveux, la longue épée qu’ils portaient et leur mauvais comportement général[14]. Ils avaient également l'habitude de pratiquer le Tsujigiri, qui consistait à tester l'efficacité d'une nouvelle lame sur les passants[15]. Certains groupes sont très organisés, et se prénommaient eux-mêmes les Hatamoto-yakko, c'est-à-dire les domestiques du Shogun[15].

    Dans le courant du XVe siècle, les ancêtres des yakuzas se seraient ainsi rassemblés pour créer des associations de défense pour se protéger des "Kabuki-mono" et de leurs divers méfaits. Ils vont ainsi devenir des Machi-yako, que l’on pourrait présenter comme étant des défenseurs des opprimés. Néanmoins, bien que se proclamant défenseurs de la veuve et de l’orphelin, ils ne défendent la plupart du temps que leurs propres intérêts, et vivent de brigandages.

    D'après le chroniqueur du magazine français Historia et enseignant au Japon Christian Kessler, c'est véritablement au début du XVIIIe siècle que voient le jour, dans les grands centres urbains d'Osaka et d'Edo (ancien nom de la ville de Tokyo), les organisations yakuza sous la houlette de chefs de bande. Les groupes yakuza sont également constitués de hinin (non-humains) et de eta (pleins de souillure) qui, dans la hiérarchie sociale, sont derrière les samouraïs, les artisans et les marchands. Les hinin regroupent les gens du spectacle, les gardiens de prison, les bourreaux, etc. ; quant aux eta, ils sont essentiellement constitués par ceux dont le métier est lié à l'abattage d'animaux. D'ailleurs, l'origine de leur discrimination se trouve sans doute dans la religion shintô et dans le bouddhisme qui considèrent comme une souillure toute occupation liée à la mort et au sang. Bien que « libérés » en 1871 lors de la restauration de Meiji, ces burakumin (littéralement « gens du hameau ») ont toujours souffert de multiples discriminations de caste, principalement à l'emploi et au mariage. Cet état de fait perdure encore de nos jours et contribue encore à fournir les rangs des yakuzas[16],[17]. Les burakumin représentent en effet 70 % des membres du Yamaguchi-gumi, le plus grand clan yakuza[18].

    De l'époque Meiji à 1945

    Le statut et les activités des yakuzas vont progressivement évoluer, en parallèle des bouleversements politiques et de la structure japonaise. L’entrée dans l’ère moderne avec l’ère Meiji (1868) va symboliser le renouveau des yakuzas[19], qui vont étendre leur pouvoir sur toute la société. Les idées nouvelles introduites par Karl Marx font peur à une partie de la population, ce qui sert les nationalistes. Appuyés par la pègre conservatrice, ils gardent le pouvoir, malgré les premières grèves violentes qui éclatent dans les mines de charbons[20].

    Les activités des Tekiya vont s'intensifier, grâce à des couvertures légales (autorisées par les liens tissés avec le gouvernement en grande partie) qui leur assurent une totale légalité de la partie émergée de leurs activités. De plus, la pratique de recrutement va s’intensifier grandement, fournissant aux organisations de plus en plus de main d’œuvre permettant d’étendre leurs pouvoirs. Du fait de l’importance grandissante des Tekiya, les trafics s’intensifient, on assiste au développement du marché noir et du commerce du sexe.

    À la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, les liens entre yakuzas et politique vont encore s’accentuer, poussés par l’ouverture du pays vers l’Occident. Les yakuzas, demeurant très attachés aux traditions, vont refuser tous contacts et actions bienveillantes à l’égard des Européens et des Américains. Ils organisent des actes terroristes visant des personnages politiques favorables à une ouverture du pays ; deux premiers ministres et deux ministres des finances, entre autres, seront ainsi assassinés.

    Ils sont néanmoins favorables à l’expansion coloniale du Japon ; c’est dans ce but qu’ils manigancent, avec la complicité du ministère de la guerre, l’assassinat de la reine Min (en) de Corée, pro-russe, le 8 octobre 1895[1], ce qui préparera l’intervention japonaise dans ce pays, et l’annexion qui suivra en 1910 et durera 35 ans, jusqu'à la fin de la Seconde guerre mondiale.

    Dans les années 1930, les yakuzas bénéficient d’une grande liberté, grâce à leur rapprochement idéologique avec la droite ultra-nationaliste[21],[22], très proche du pouvoir à l’époque. Lors de l’invasion de la Mandchourie, en Chine, ces liens leurs seront très utiles. Les yakuzas seront présents pour l’occupation, et organiseront le trafic de matériaux précieux et stratégiques, ce qui leur permettra d’amasser une fortune colossale[21]. Le lien entre les voyous et les politiques est assuré par certains parrains, les Kuromaku. Grâce à la fortune accumulée, certains de ces parrains joueront un rôle très important dans l’après-guerre[23], les plus connus et le plus influents étant Yoshio Kodama et Ryoichi Sasakawa[24].

    Ils s'occupaient également de trouver, et d'exploiter les femmes de réconfort pour l'armée japonaise d'occupation[21].

     

    De la fin de la Seconde Guerre mondiale au début des années 1990

    Suite à la défaite lors de la Seconde Guerre mondiale, le Japon est occupé par les Américains. Des trafics s'organisent alors avec les dizaines de milliers de soldats de la force d'occupation, notamment en drogues. Les yakuzas s'occupent de la prostitution, devenue illégale. Ils profitent également du chaos généralisé pour s'approprier des terrains en toute illégalité, dans les villes où les plans cadastraux ont brûlé[1],[25]. En parallèle, les Coréens et les Taïwanais, utilisés comme main d'œuvre durant la guerre sur le territoire du Japon, retrouvent la liberté. Les mafias de leurs pays d'origine tentent donc de s'installer au Japon, et de prendre le contrôle du fructueux marché noir[1]. On appela ces nouveaux arrivants les Daisangokujin. Ils agrandirent rapidement leur territoire, car les forces de police avaient été affaiblies suite à une purge effectuée par les forces d’occupation.

    Cette situation fut un tremplin décisif pour l’organisation yakuza[26]. Avec l’assentiment du pouvoir, elle fut utilisée afin de lutter contre ces mafias, et également comme briseuse de grève. Elle a aussi profité du fleurissement du marché noir[26] dans un Japon ravagé par la guerre et privé de tout. Le pouvoir des yakuzas va donc se faire double : d’un côté ils bénéficient dans l’ombre de l’appui des hommes politiques et de la police, et sont en plus nécessaires à la société d’après-guerre, le marché noir restant le seul moyen de survie pour la majorité des Japonais. L'organisation criminelle japonaise devient donc un des piliers du Japon, avec l'assentiment des forces d’occupations, qui voyaient en elle une « force régulatrice »[26].

    L'après-guerre voit également l'apparition d'une nouvelle criminalité, en parallèle de la pègre traditionnelle datant d’avant-guerre, et ayant encore une partie de ses traditions. Naissant en pleine crise sociale, le groupe des Gurentai (愚連隊?) est constitué de membres plus jeunes, plus violents ; c'est une criminalité moins organisée. Ils avaient pour spécialités le trafic d’amphétamines et la prostitution, ou la pornographie. Ce groupe est progressivement absorbé par des gangs plus importants, pour finalement former les grandes familles qui sont encore aujourd'hui en place, comme les Yamaguchi-gumi, ou les Inagawa-kai.

    Yoshio Kodama (à gauche) rencontrant Ichirō Hatoyama, (à droite) et Takeo Miki (en arrière plan)

    Entre 1958 et 1963, les yakuzas accroissent leurs effectifs de 150 % pour atteindre à leur apogée, un total d’environ 184 000 yakuzas, répartis dans 126 gangs[27]. L’organisation compte alors plus de membres que l’armée japonaise elle-même. Des clans se forment et des guerres éclatent pour le partage de territoires.

    Parallèlement, les Américains voient d'un mauvais œil l'avancée de l'armée populaire menée par Mao Zedong en Chine. Pour préserver définitivement le Japon du communisme, ils libèrent certains détenus politiques, comme Yoshio Kodama, qui, grâce à leurs relations avec les yakuza et les partis d’extrême-droite, vont leur permettre de s’en protéger. Kodama réussit à amener la paix entre les gangs. C'est le « Al Capone » japonais ; il souhaitait créer une alliance entre les différents gangs, tout en faisant le lien avec le milieu politique japonais, faisant de ce fait grandir l'influence de la pègre[28].

    Cette situation perdurera jusqu'au début des années 1990, période du vote d'une loi décisive pour l'avenir de la pègre nippone.

    La loi Antigang de 1992

    Contexte

    Le 1er mars 1992, le gouvernement japonais fait voter une loi Antigang (Boryokudan Ho ou Botaiho), qui sera en 1993 complétée par une loi Antiblanchiment. Elles ont plusieurs causes :

    • L’altération progressive de l’image des yakuzas auprès de la population[29];
    • Les conflits entre corporations, qui ont parfois touchés des « civils »;
    • La perte de fonction sociale des yakuzas, avec :
      • La réorganisation des forces de polices dans les années 1960, qui a enlevé le rôle de « suppléant » aux yakuzas
      • La chute de l’URSS, qui rendit la lutte contre le communisme moins pressante;
    • Les scandales de corruptions qui éclaboussèrent le PLD à la fin des années 1990[29];
    • L’influence extérieure, notamment des États-Unis, qui constatent l’implantation de yakuzas sur leur territoire[30].

    Cette loi met en place un recensement officiel des bandes, selon un certain nombre critères. Les membres doivent ainsi bénéficier de leur appartenance à une organisation pour avoir des avantages financiers, qu’une partie d’entre eux aient un casier judiciaire, et que l’organisation soit hiérarchisée.

    Si une bande est fichée, elle est alors sujette à des restrictions. Cette loi est uniquement administrative et non pénale, en cas de non respect, un simple rappel à l’ordre est adressé au contrevenant.

    Conséquences

    • Diminution des effectifs: Suite à la mise en place de cette législation, le nombre des yakuzas a fortement diminué[31], mais sans pour autant disparaître. Les effectifs sont aujourd'hui estimés à 84 700 membres.

    Cette diminution n’est néanmoins pas le signe d’un déclin de la mafia japonaise. En effet, depuis cette période, les 3 grandes fédérations se sont renforcées. La loi a forcé les yakuzas à mettre en place une politique de sélection et de concentration de leur effectif, ce qui entraine une plus grande cohésion et efficacité des effectifs restants[32].

    • Un enterrement des activités : la loi a obligée les clans à prendre une façade « légale », sous forme d’association, de groupes commerciaux ou d’entreprises :
      • Le Yamaguchi-gumi transformait une partie de son organisation en «Ligue Nationale pour l’Epuration des Terres». Il s’agissait d’une association charitable à but non lucratif consacrée à enrayer l’abus de drogues.
      • L’Inagawa-kai, se transformait en Industries Inagawa.
      • Le Sumiyoshi-gumi devenait l’Entreprise Hor[33].

    Les activités se sont aussi adaptées, avec un déclin des activités traditionnelles, mais qui ont été compensées par les divers trafics et la prostitution bas de gamme (salons de massage et services téléphoniques)[34]. Les yakuzas ont démultipliés leurs activités, et sont rentrés dans la clandestinité[35].

    • Une rupture de l’équilibre avec la police : Auparavant, il existait un accord tacite de coexistence entre forces de l’ordre et mafia. De manière quasi-systématique, si un yakuza commettait un crime, il allait ensuite se livrer à la police, pratique dénommée le iishu. Par la suite, il pouvait y avoir des négociations entre les parties, pour décider de la peine[36].

    Fonctionnement des clans

    L'organisation interne

    Organisation typique d'un clan yakuza

    Les yakuzas ont une structure semblable à celle de la mafia sicilienne, organisée en familles (ikka)[15]. Ils ont adopté la structure hiérarchique traditionnelle de la société japonaise, pyramidale, mais aussi familiale, bien que les membres ne soient pas liés par le sang[26]. Chaque « famille » possède un patriarche, l’Oyabun (親分? littéralement « le parent, le chef », l'équivalent du parrain), aussi appelé Kumichō (組長? littéralement « le chef de clan »). Ce titre se transmet de père en fils, comme une sorte de droit féodal, ou à une personne en qui l'Oyabun a une complète confiance.

    Chaque homme accepté chez les yakuzas doit accepter ce rapport Oyabun/Kobun[37], en promettant la fidélité inconditionnelle et l'obéissance à son patron. Toute la structure se fonde sur cette relation oyabun-kobun.

    L’Oyabun, en tant que bon père, est obligé de fournir la protection et les bons conseils à ses enfants. Chacun des deux protagonistes respecte le code du jingi (仁義? justice et devoir). Chaque kobun peut à son tour devenir « parrain » quand il le souhaite, tout en gardant son affiliation avec son propre oyabun, et ainsi agrandir l'organisation mère. Le plus proche conseiller de l’Oyabun est le Saikō-komon (最高顧問?), c'est un poste administratif qui s'occupe de l'état-major (avocats, comptables, etc.). Le Saikō-komon dirige ses propres secteurs. Il commande ses propres subordonnés, y compris des conseillers, comptables ou avocats.

    Juste en dessous se trouve le Waka-gashira, c'est le numéro deux de la « famille », il est sous les ordres directs de l’Oyabun. Son « petit frère », le Shatei-gashira[38], est de même rang, mais inférieur en autorité. Il est un relais entre les rangs inférieurs et le numéro deux du clan. Les rangs intermédiaires sont composés des Kyodai[38] (les « grands frères »), et le bas de la hiérarchie par les Shatei (petits frères)[39],[38].
    En dehors de la famille, le kumi-in (l'homme engagé) est un exécutant qui pourra peut-être intégrer le clan s'il s'en montre digne.

    Les yakuzas d'aujourd'hui viennent de milieux très variés. Les récits les plus romanesques racontent que les yakuzas recueillent les fils abandonnés ou chassés par leurs parents. Ils sont souvent recrutés par un clan dès le lycée, une majorité dans les communautés burakumin et coréenne, peut être à cause de la véritable ségrégation raciale dont elles sont victimes au Japon. Les burakumin représentent 70 % des membres du Yamaguchi-gumi. La pègre ne se cantonne donc pas aux seuls Japonais pour recruter des hommes, elle accepte toutes des origines, ne se fiant qu'aux compétences des individus. En effet, les yakuzas se composent habituellement d'hommes très pointus, adroits, intelligents, car le processus pour obtenir un poste dans l'organisation est très concurrentiel et darwinien. Le milieu japonais est entièrement constitué d'hommes, et il n'y a habituellement aucune femme impliquée, excepté l'épouse de l’Oyabun qui s'appelle le «Kami-san» ou «Nee-san» (grande sœur)[40]. Quand le chef du Yamaguchi-gumi a été abattu vers la fin des années 1990, son épouse lui a succédé pendant une courte période.

    Article détaillé : Les Coréens au Japon.

    Les rituels et usages

    « Il y avait des règles précises pour pratiquement tout - de la façon dont on salue quelqu'un au-dessous ou au-dessus de soi, la façon de parler aux gens, la façon d'indiquer que vous les écoutez, tout. C'est un monde féodal, très différent de la vie ordinaire extérieure. Et ça va même jusqu'à influencer les relations que vous avez avec les femmes. »

    — Saga Junichi, Mémoires d’un yakuza [41]

    La « voie chevaleresque »

    Les yakuzas suivent le gokudō (極道?)[42], la voie extrême. Mais ils ont également un certain « code d'honneur ». En effet, l’intégration de rōnin au XVe siècle leur a apporté un certain nombres de règles, à l’image du Bushido chez les Samouraïs. Cette ligne de conduite, le Ninkyōdō (la voie chevaleresque), contient 9 règles :

    1. Tu n'offenseras pas les bons citoyens.
    2. Tu ne prendras pas la femme du voisin.
    3. Tu ne voleras pas l'organisation.
    4. Tu ne te drogueras pas.
    5. Tu devras obéissance et respect à ton supérieur.
    6. Tu accepteras de mourir pour le père ou de faire de la prison pour lui.
    7. Tu ne devras parler du groupe à quiconque.
    8. En prison tu ne diras rien.
    9. Il n'est pas permis de tuer un katagari (personne ne faisant pas partie de la pègre).

    La règle 9 n'est pas souvent appliquée, et peu de clans suivent encore cette éthique, et les traditions en général.


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  • Il est né é Paris en 1953, où il vit actuellement. Pendant ses études aux Beaux-Arts à Paris, il rejoint le groupe de graphistes radicaux Bazooka. Peintre, illustrateur, affichiste, Xerox-artiste, il touche avec bonheur à toutes les techniques de l'expression graphique. Ses activités vont de l'illustration de couvertures de romans à la bande dessinée, en passant par l'image de presse, la sérigraphie, le collage et la littérature enfantine. À partir de 1977, il commence à voyager au Japon et fréquente notamment le peintre Tadanori Yokô, les illustrateurs Yôsuke Kawamura, Shigenari Onishi, Makiko Azakami, et le photographe Nobuyoshi Araki. Parallèlement à son travail d'illustrateur de BD, il fait de la photo et des films. Il est très attiré par le thème de l'érotisme japonais, sur lequel il écrit. Ses sujets évoquent souvent des Japonaises plâtrées, des bandages médicaux.

     
    Portrait

    "Romain Slocombe est un obsessionnel mais un obsessionnel avec humour. Il adore les belles Japonaises lorsqu'un bandage vient relever à contrario la délicatesse d'une nuque, le galbe velouté d'une joue, la finesse d'un poignet. Romain Slocombe est un amoureux de la beauté mais de la beauté menacée." Michel Nuridsany

    Romain Slocombe est né en 1953 à Paris. Il suit les cours de Moebius à l'université de Vincennes, puis entame des études aux Beaux-Arts de Paris. Il y rencontre en 1973 les futurs graphistes du groupe Bazooka (fondé par Kiki et Loulou Picasso) auquel il collabore en plaçant ses illustrations dans des revues de science-fiction telles Galaxie et Fiction . Par la suite il participe également aux débuts du magazine Métal Hurlant où il rencontre Jean-Pierre Dionnet. Oeuvrant tout d'abord dans le domaine de la bande dessinée, Slocombe signe en 1978 le remarqué et interdit Prisonnière de l'armée rouge où s'étalent déjà dans des gravures photo-réalistes ses visions fantasmées de femmes ligotées et soumises. Cet attrait pour l'Asie en général (et le Japon en particulier) ne fera que se confirmer jusqu'a constituer le centre de gravité de son œuvre. La guerre du Vietnam lui inspire son premier roman, Phuong-Dinh Express (1983), la guerre de Corée est au centre de sa BD Yeun-ok, l'infirmière héroique (1984). En 1983, il rédige l'essai L'art médical qui constituera une base de réflexion sur ses travaux photographiques et vidéos à venir. A la fin des années 80 et dans un registre diffèrent, il écrira aussi des romans jeunesse (Les Évadés du bout du monde, Le Détective du Palace Hôtel).

    Fin connaisseur de la culture nippone, il a l'occasion de côtoyer dès les années 80 la scène érotique underground tokyoite où il rencontre notamment le photographe Nobuyoshi Araki, le maitre-bondage Chimuo Nureki, le peintre Tadanori Yoko et les illustrateus Yosuke Kawamura, Shigenari Onishi, Makiko Azakami. Auteur apprécié au Japon (Tristes Vacances ou Prisonnière de l'Armée Rouge y reçurent des échos enthousiastes), l'année 1992 de son passage à la photographie marque un tournant crucial dans sa carrière. Il expose à plusieurs reprises à The Deep Gallery de Tokyo et ses recueils de photographies suscitent un intérêt certain (Kowasareta Ningyô / Brokens Dolls en 1994) . En France, c'est en 1995 suite à la diffusion ‘scandale' d' Un monde flottant aux Rencontres Internationales de la Photographie d'Arles que le nom de Slocombe devient familier auprès du grand public français. Ce documentaire sur le photographe Nobuyoshi Araki constitue sa première tentative d'œuvrer sur support vidéo. Par la suite, il tourne au Japon un documentaire personnel (Tokyo Love ,1996), et plus tard des courts métrages (co-réalisés avec Pierre Tasso), La Femme de plâtre (1997) et Week-end à Tôkyô (1998). Si Slocombe continue encore d'explorer son univers médical singulier par la photographie (Les japonaises blessées, Tokyo blues, ..) ou la peinture (Japan in bandage, Dolls' hospital,..), il ne se considère pas comme un cinéaste et cesse d'expérimenter le médium vidéo malgré l'essai prometteur qu'était Week-end à Tôkyô .

    Les années 2000 marquent une focalisation sur les travaux écrits. Des nouvelles (Asako highway, Carnets du Japon,..) et des romans remarqués dont sa tétralogie Crucifixion en jaune publiée dans la Série Noire chez Gallimard où il projette son double caricatural dans un Tokyo érotique pittoresque où se croisent prostituées, yakuza, secte Aum, Unité 731. Fin connaisseur du cinéma japonais, on recourt à ses commentaires pour les films Kairo , Le couvent de la bête sacrée ou encore Elle s'appelait scorpion . Plus récemment, on lui doit la traduction du Cinéma Japonais de Donald Richie.

    Photographe, dessinateur, cinéaste et écrivain, Romain Slocombe a construit son œuvre un peu en dehors des circuits habituels. Avec autant de public qu'il a de facettes, son univers souvent injustement résumé aux femmes bandées possède pourtant un vrai caractère atypique qui mérite une lecture transversale. La justesse de son regard et son détachement restent les meilleurs garants de l'authenticité de son statut d'ambassadeur culturel en marge.

     

    Regards sur les films de Romain Slocombe


    Tokyo Love (90 mn, 1996)
    De: Romain Slocombe

    Sur le papier Tokyo Love a tout du projet racoleur. L'éditeur Haxan ne s'y est en son temps pas trompé avec une jaquette explicite et une accroche gentiment sensationnaliste. Tokyo Love serait donc du bon gros trash bien exotique. Que nenni. Tokyo Love est avant tout un documentaire stylisé dans la lignée de Chris Marker sur un milieu effectivement à part, la pornographie japonaise et son lot de fétiches. Malgré un impressionnant listing de fétiches improbables (on apprend ainsi l'existence d'une niche pour le film de léchage), les détails scabreux seront évités, la caméra se veut distante, limite froide et va s'attacher à nous montrer l'envers du décor. Nous découvrons donc un monde fait de contrastes forts, où la représentation de fétiches ciblés jusqu'à l'absurde est en décalage complet avec une ambiance limite bon enfant, entre considérations cinéphiliques pointues, fous rires incontrôlés et drames personnels exprimés du bout des lèvres. En l'état tout ceci est instructif, mais ne dépasse pas forcément le reportage façon Striptease , conditions de tournage épiques à l'appui. Un point d'ancrage apparaît néanmoins en la personne, ici multiple, du modèle. Pivot du travail de Slocombe en fiction comme en photo, la figure de la jeune fille japonaise mutine, instrumentalisée, inaccessible sera déclinée tout au long du métrage.

    Le constat sur sa condition se fait tantôt amer, tantôt complice, et là est quelque part le souci. Slocombe n'est évidemment pas là pour juger, on ne demande pas un brûlot féministe appelant à la castration de tous ces vils pornocrates, mais pour un film qui donne autant la parole à des jeunes femmes parfois proprement exploitées, la caméra s'attarde tout de même très longuement sur les sessions bondage et autres performances SM. On voudrait pouvoir dire que c'est de l'objectivité documentaire, qu'il n'y a aucun regard pornographique, mais le tout donne plutôt le sentiment d'une fascination réelle (le troisième segment sera d'ailleurs remonté sous le titre Kinbaku, la forêt des arbres bleus et jouera ouvertement la carte de la fascination érotique), surtout quand à côté la mise en scène en rajoute dans le petit détail pittoresque typiquement japonais. L'activité pornographique, quand même pas anodine, se retrouve ainsi classée dans la même catégorie que la miso soup  : un produit commercial comme un autre, qui répond à une demande légitime. Montrer n'est bien sûr pas approuver, mais on sort déstabilisé, peut-être plus par le traitement que par le sujet même. Reste tout de même une image forte sur laquelle le film se conclut très justement. La caméra s'attarde sur une jeune et jolie japonaise sortie de tout contexte sexué. Elle nous fixe, elle nous sourit, elle nous séduit. Mais pas une seconde nous saurons ce qu'elle pense réellement . On peut l'attacher, la battre, la violer, en faire une esclave, mais jamais elle ne sera totalement possédée. Un paradoxe de plus au pays du soleil levant…

     

     

     

    Le femme de plâtre (14 mn, 1998)
    De: Romain Slocombe, co réalisé avec Pierre Tasso

    - "Hé Romain, y'a des gens qui disent que t'es un dingue, un obsédé avec tes japonaises plâtrées.
    - Ah bon ? Ben on va jouer là-dessus, ils vont pas être déçus."

    La femme de plâtre est un petit film (15 minutes) tourné en 98, soit à une époque où Slocombe commençait à avoir sa petite notoriété en tant que spécialiste du Japon et étendard du fétichisme médical. Pas forcément une mise au point didactique, il s'agit plutôt d'un exercice de style ludique portant autant sur le fétichisme médical que le personnage Slocombe même. Sorte de reportage stylisé, le film suit le fil ténu d'une jeune journaliste japonaise (ben tiens) se retrouvant à l'hôpital suite à un accident banal, alors qu'elle était partie justement interviewer Romain Slocombe, qui tombera bien sûr en arrêt sur ses bandages. Ce canevas va permettre aux auteurs d'agencer diverses interviews sur divers amis personnels dont le plus connu reste l'inoxydable Jean-Pierre Dionnet. S'ensuit donc une série d'opinions sur le travail de Slocombe qui loin de la bête dithyrambe jouent la carte du portait décalé et distancié ("c'est juste un obsédé !" clame gentiment le Dionnet). Instructif sur son travail, incisif sur lui-même (à l'image des aventures littéraires du photographe loser Woodbroke), Slocombe s'amuse à dresser un autoportrait fragmenté qui a le mérite de piquer la curiosité, tout en restant distrayant et gentiment anecdotique. C'est là toute sa limite, et tout son charme.

     

    Week end à Tokyo (21 mn, 1999)
    De: Romain Slocombe, co réalisé avec Pierre Tasso

    Et voilà le vrai gros morceau, le court-métrage de pure fiction, le film multiprimé en festival, celui qui aurait dû être le marchepied pour s'attaquer pour de bon au format long, le fameux Week-end à Tokyo. Cinq ans avant le désormais incontournable Lost in translation , nous avons donc droit à une superposition du choc des cultures et d'une étrange relation entre un homme et une femme, en l'occurrence le français Jean-François et sa copine par correspondance Yuka, qui toc toc badaboum s'avère être une jeune japonaise. Dès les premiers instants, le progrès par rapport aux précédents films de Slocombe est flagrant. On sort de l'image du documentaire tourné à la dure pour assister à un projet de mise en scène réellement construit, avec un usage adéquat de voix off alternées en accord avec les deux héros : un récit ultradynamique pour Jean-François, dragueur totalement dépaysé par son arrivée sur l'archipel et une lenteur pour le coup rafraîchissante pour Yuka. Dit comme ça c'est tout bête, mais cette option est au final heureuse surtout quand on pense qu'on aurait pu avoir un français « normal » débarqué dans un pays de barges, car nous savons tous que les japonais ne sont pas des gens comme nous, ma bonne dame. On retrouve donc les classiques ressorts sur les malentendus culturels de toute sorte exacerbés par la double focalisation interne, mais tout se fait avec la modestie et la finesse qui manque aux productions d'un Luc B. . Slocombe arbore la posture du sage qui sait qu'il ne sait pas, et c'est très bien ainsi.

    Sommet d'une carrière de cinéaste pour l'instant bien courte, Week-end à Tokyo se présente comme une tranche de vie douce amère, avec une empathie focalisée sur Yuka (pourtant simple sujet de la caméra là où Jean-François est la caméra) traitée tout en tendresse et élégance. En plus d'être un bon film joliment ficelé (la chute fait au fond froid dans le dos), Week-end à Tokyo prouve que son auteur n'est pas un érotomane accro au plâtre et à l'attelle. C'est avant tout un univers bien défini où une masse de mâles pas toujours finauds sautillent en espérant atteindre une jeune fille qui derrière ses allures inoffensives d'enfant espiègle ou timide reste avant tout un îlot inaccessible. On est Auteur où on ne l'est pas…

    Frédéric Maffre

     

    Son travail à la Demeure du Chaos....

    Une petite vidéo de Kells pour terminer en beauté....

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     


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